Jean d'AillonLes rapines du duc de Guise, le nouveau roman historique d'aventures de Jean d'Aillon qui annonce la saga La guerre des trois Henri vient de sortir. L'écrivain d'Aix-en-Provence, déjà créateur des personnages de Louis Fronsac, du brigand Trois-Sueurs et de Lucius Gallus, nous entraîne au côté d'Olivier Hauteville, simple clerc, dans une enquête qui jongle avec les codes du roman de cape et d'épées et du romanesque. Jean d'Aillon a gentiment accepté de nous en dire plus.

Dominique : Pouvez-vous nous parler des Rapines du Duc de Guise ?
Jean d'Aillon : J'avais depuis longtemps envie de traiter des guerres de religion (bien que j'aie déjà écrit Nostradamus et le dragon de Raphaël, qui se situe au début de ces guerres.) Il restait à choisir la période : avant la Saint-Barthélemy, ou après ?
Finalement, j'ai retenu le début de la création de la Ligue (1576), une période intéressante, car on assiste à une révolution populaire où la bourgeoisie prend le pouvoir et chasse le roi. Mais, comme pour la Fronde, soixante et dix ans plus tard, cette révolution échouera. Dans la première histoire de cette série, j'ai choisi comme intrigue une fraude sur les impôts, ou plus exactement un « détournement d'impôt », un genre de « délit » peu courant dans les romans policiers, mais extrêmement fréquent dans la réalité ! Je rassure le lecteur : il y aura quand même quelques assassinats !
Il s'agit du premier roman d'une série de trois, série qui connaîtra sans doute d'autres volumes (mais pour l'instant je n'en ai écrit que trois !), chaque roman pouvant être lu séparément. La série (on dit : saga !) raconte à la fois l'arrivée au pouvoir de Henri de Navarre (Henri IV) - c'est La guerre des trois Henri, les deux autres Henri étant le Duc de Guise et Henri III) - et l'histoire d'un jeune homme, Olivier, simple clerc qui devient chevalier et proche des Bourbon.

Dominique : Monsieur d'Aillon, pour les (rares) lecteurs qui ne vous connaîtraient pas encore, pouvez-vous nous dire qui vous êtes ?
Jean d'Aillon : Ce n'est pas très intéressant ! Une formation universitaire, deux thèses d'Etat, une carrière dans l'administration des Finances où je me suis occupé de statistique, de macro-économie puis d'informatique et d'intelligence artificielle ; des détachements à l'université et un travail pour la Commission européenne dans le cadre de programmes de recherche ; puis une démission à la fois pour des raisons de désaccord avec le fonctionnement de mon administration, et ensuite pour pouvoir me consacrer à l'écriture à temps complet.

Dominique : Quand on lit des extraits de votre biographie, on constate que vous êtes un scientifique, un économiste, que vous avez été prof et que vous avez travaillé pour l'administration des finances, ... Donc, pour la crise, vous saviez avant ?
Jean d'Aillon : Oui, mais je l'ai gardé pour moi, car on ne m'aurait pas cru. Ceci étant, cette crise n'est ni la première ni la dernière, et dans l'histoire, on a connu pire, bien pire !

Dominique : Revenons à la littérature ... le fait que vous soyez un scientifique oriente-t-il votre façon de travailler ?
Jean d'Aillon : Certainement. Principalement sur la recherche de la documentation, sur la façon de la trier et de la conserver. Probablement sans doute aussi sur le découpage de l'histoire et sur la construction de l'énigme.

Dominique : Ou, plus précisément, pouvez-vous nous décrire comment vous organisez votre travail d'écrivain ?
Jean d'Aillon : Je commence toujours de la même façon, j'ai une idée d'intrigue - souvent à partir d'un fait réel ou d'une situation politique ou économique - pour laquelle je prépare une liste de personnages avec toutes leurs caractéristiques (physiques et morales). Pour les personnages historiques secondaires, cela peut demander une recherche assez longue. Par exemple, je cherche à trouver leur portrait et où ils habitaient. Pour les personnages « inventés », j'imagine leur vie avant l'histoire que je vais raconter, quels étaient leurs goûts, leurs mœurs, leur comportement. Durant cette étape j'utilise des dictionnaires biographiques (biographies universelles...) et des dictionnaires spécialisés (dictionnaires des offices, des parlementaires, des charges, de la noblesse...)
Evidemment, pour les personnages rémanents d'un roman à un autre, je tiens à jour le déroulement de leur vie, leurs goûts, leur façon de vivre, leurs habitudes. Ensuite j'étudie les lieux où se passera le roman et pour lesquels je rassemble aussi le maximum d'information, y compris en allant sur place. Enfin, je fais un découpage assez détaillé de l'histoire, en préparant quelques intrigues secondaires. Quand ce travail est terminé, l'écriture peut commencer et est assez facile.

Dominique : Comment est né votre succès ? Avez-vous envoyé plein de manuscrits ? Reçu des réponses négatives ? Cela a-t-il été long ?
Jean d'Aillon : Je pourrais faire un livre avec les réponses négatives ! Lorsque j'ai présenté Le mystère de la chambre bleue, tous les éditeurs l'ont refusé ! Pourtant quinze ans plus tard, le livre a atteint un tirage de trente à quarante mille exemplaires, avec une traduction en espagnol ! Conclusion : oui c'est assez long de se faire connaître, mais il faut être opiniâtre pour devenir écrivain !

Dominique : D'où vous vient cette passion pour l'histoire ? Et celle de mélanger l'histoire à l'Histoire ?
Jean d'Aillon : Il y a eu l'influence de lectures de jeunesse ; je pense aux romans historiques de Conan Doyle (La compagnie blanche, par exemple, ou Les réfugiés). Il y a eu Dumas, bien sûr, mais aussi Zevaco, la baronne Orczy avec Le mouron rouge (que j'ai repris dans Le duc d'Otrante et les compagnons du soleil !) ou encore Amédée Achard (Belle Rose et Les chevauchées de M. de la Guerche). Walter Scott, Rafaël Sabatini, du côté des anglais, qui, entre parenthèse, sont encore les meilleurs dans le genre (voir les titres dans Grands détectives-10/18) ou Alexander Kent chez Phébus !

Dominique : C'est l'histoire ancienne qui vous passionne le plus, on dirait ?
Jean d'Aillon : L'histoire a de nombreux avantages. En premier lieu, elle est très invraisemblable et il n'est pas nécessaire de faire de grands efforts d'imagination ! Je découvre chaque jour des anecdotes, des évènements, ou des personnages qu'aucun romancier n'aurait osé inventer ! Par exemple, pour en revenir à la Guerre des trois Henry, les assassinats du Duc de Guise et d'Henri III sont des évènements invraisemblables, et qui pourtant ont eu lieu !
Ensuite, l'histoire permet de comprendre le présent. On sait que toute la prévision économique, financière, ou même météorologique, est basée sur l'observation du passé et il est intéressant de montrer, dans un roman, des parallèles avec notre situation actuelle. En ce sens, les lecteurs de romans historiques sont certainement ceux qui s'intéressent le plus à la compréhension du monde présent.

Dominique : Comment voudriez-vous être perçu en tant qu'écrivain ?
Jean d'Aillon : Je n'ai pas d'ambition, mais si dans dix, vingt ou cinquante ans on lisait encore mes livres, je serais fier (mort, mais fier !). Ceci étant, je n'y crois pas, les genres évoluent vite en littérature.

Dominique : Les écrivains sont souvent également des lecteurs ? Qu'aimez-vous lire quand (si) vous avez le temps ?
Jean d'Aillon : J'ai terminé le Ken Follet (Un monde sans fin), les Millenium de Stieg Larsson, je lis aussi beaucoup d'auteurs américains : Preston & Child, Lee Child, David Baldacci, David Morrell, Nelson DeMille, Dan Brown, et bien sûr des biographies ; les dernières : Simone Bertière (Mazarin) et J.C Petitfils (Louis XIII).

Dominique : Et à part l'écriture, la lecture ? D'autres loisirs ?
Jean d'Aillon : J'entretiens ma maison et je voyage !

Dominique : J'ai lu que vous aviez démissionné de votre poste. Vous consacrez-vous donc 100% à votre métier d'écriture désormais ?
Jean d'Aillon : En effet. Je travaille au moins huit heures par jour. J'ai souvent deux livres, (ou plus !) en parallèle. Plusieurs pour lesquels je me documente, un que j'écris, et parfois un que je relis ou que je corrige. La partie de relecture et de correction, y compris des épreuves imprimeur, prend un temps considérable. Je dispose d'une importante documentation, c'est-à-dire de plusieurs centaines de livres ou de dossiers, ce qui me permet d'avancer assez vite. Je peux ainsi écrire deux livres par an, soit un millier de pages.

Dominique : Quels sont, d'après vous, les ingrédients d'un roman policier ? Et d'ailleurs, qualifiez-vous vos romans de « policiers » ?
Jean d'Aillon : Le roman policier n'est qu'un sous-genre du roman d'aventure. C'est la structure narrative qui modifie le « classement » d'un roman. Prenez Le Comte de Monte-Cristo : en modifiant le déroulement du récit, c'est-à-dire en le commençant après l'évasion de Dantès et en « expliquant » l'énigme à la fin du récit, il est possible d'en faire un roman policier historique ! Ceci étant, je préfère qu'on qualifie mes livres de romans historiques à énigme !

Dominique : Que conseilleriez-vous à quelqu'un qui souhaiterait se consacrer à l'écriture ?
Jean d'Aillon : Il y a deux facettes dans ce métier. Etre capable d'imaginer une histoire qui intéressera des lecteurs, et être capable de la raconter, c'est-à-dire de l'écrire. A mes yeux, l'histoire est primordiale. Donc, si on n'a pas d'histoire (passionnante) à raconter, il est inutile de songer à écrire pour les autres (sauf peut-être pour sa famille !). Ensuite, il faut être capable d'écrire l'histoire, ce qui implique de connaître un minimum sur les techniques narratives, la grammaire et l'orthographe.
Bien souvent ceux qui veulent se consacrer à l'écriture ne savent faire ni l'un ni l'autre. C'est un double handicap. Ceci étant, si on est incapable d'imaginer une histoire, on ne sera jamais romancier, en revanche, les techniques d'écriture s'apprennent.

Dominique : Et maintenant, quels sont vos projets ?
Jean d'Aillon : J'ai encore beaucoup d'histoires prêtes, souvent à partir d'anecdotes découvertes dans des mémoires d'époque. Ainsi, pour Louis Fronsac, je dois avoir une dizaine de sujets qui donneront lieu à des romans (si Dieu me prête vie !). Il y a d'ailleurs deux gros romans déjà terminés et non encore publiés. Le premier, L'homme aux rubans noirs, est prévu chez J.C. Lattès. Le second s'intitule : Le secret de l'enclos du Temple et se situe durant la Fronde. Il y a aussi quelques nouvelles disponibles en mode numérique uniquement (ebook).
Je travaille aussi sur une nouvelle série qui se déroulera sous le règne de Philippe Auguste. Le tome 1 s'intitule Marseille, 1198, et le tome II Paris, 1199, avec des personnages historiques comme Robert de Locksley, c'est-à-dire Robin des Bois !
J'ai aussi commencé la suite des Ferrets de la reine, intitulé : Le collège fantôme.
A plus long terme, je vais poursuivre La guerre des trois Henri, dont vient d'être publié Les rapines du duc de Guise (Lattès), et dont va sortir au printemps : La guerre des amoureuses, puis La ville qui n'aimait pas son roi. Il devrait y avoir encore 2 ou 3 volumes et peut-être une suite, façon Vingt ans après qui se situerait au début du XVIIe.

Dominique : Merci monsieur d'Aillon, et à bientôt j'espère pour des dédicaces !


Bibliographie
Série Louis Fronsac

1997 - L'énigme du clos Mazarin

1998 - Le dernier secret de Richelieu

1999 - Le mystère de la Chambre Bleue

2000 - La Conjuration des Importants

2001 - L'enlèvement de Louis XIV, précédé de Le Disparu des chartreux

2004 - L’Exécuteur de la haute justice

2005 - La vie de Louis Fronsac par Aurore La Forêt, préfacée par Jean d'Aillon

2006 - La Conjecture de Fermat

2008 - Les Ferrets de la reine

L'Homme aux rubans noirs

La Lettre volée

À noter : la publication des aventures ne suit pas toujours l'ordre chronologique

Les aventures du brigand Trois-Sueurs

2002 - L'obscure mort des ducs, regroupe quatre récits : Les effroyables débauches de la Drouillade (1698-1707), Le grand hiver (1709), L’obscure mort des ducs (1712), La terrifiante agression (1720)

2005 - La devineresse
2007 - Le captif au masque de fer et autres enquêtes du brigand Trois-Sueurs, regroupe : Le captif au masque de fer (1706), La fille du lieutenant de police (1698) et Cartouche, capitaine général de la Grande truanderie (1721)

Série Lucius Gallus

2000 - Attentat à Aquae Sextiae

Le Complot des Sarmates et La Tarasque

Autres

1999 - Marius Granet et le trésor du Palais Comtal

2001 - L’Archiprêtre et la Cité des Tours

2002 - Nostradamus et le Dragon de Raphael

2003 - Le Duc d’Otrante et les compagnons du soleil

2005 - Juliette et les Cézanne

Tag(s) : #INTERVIEWS, #POLAR-THRILLER, #HISTORIQUE, #D'AILLON
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :