Anthelme Hauchecorne écrit depuis plusieurs années. C'est un séjour prolongé à l'hôpital qui déclenche sa passion de l'écriture. Ses textes ont été depuis publiés dans de nombreuses revues et fanzines (Khimaira, Calepin Jaune, Eclats de Rêves, Traverses et parchemins...) Mais le parcours de l'écrivain qui veut se faire publier est rude et en dépit de cette difficulté et malgré un talent incontestable, il arrive enfin en force avec son premier roman La tour des illusions. Et d'autres projets se profilent pour le plaisir des lecteurs qui le soutiennent. Il a accepté de répondre nos questions sur ce parcours, son inspiration et évidemment sur ce premier roman fort d'imagination.
A noter qu'Anthelme Hauchecorne sera présent au Salon de l'Imaginaire organisé par la ville de Lunel (Hérault) les 28 et 29 novembre 2009. Il y dédicacera ses dernières nouvelles parues dans divers magazines et anthologies et présentera son prochain roman à paraître chez ? : Ames de verre.
Herveline Bonjour Anthelme, d'abord c'est un vrai plaisir de pouvoir échanger quelques propos avec toi ; premièrement par ce que ton premier roman est une réussite, ensuite par ce qu'en tant qu'auteur « débutant », c'est intéressant de connaître ton parcours au sein des méandres éditoriaux. Si tu veux bien, on évoquera un peu tout ça.
Mais pour commencer, peux-tu nous parler un peu de toi. Quel est ton parcours jusqu'à aujourd'hui ?
Anthelme J'ai un parcours atypique : petits boulots, vendeur en boutique de jeux de rôles (la Caverne du Gobelin à Nancy/coup de pub), chef de rayon, vendeur d'alarmes... Beaucoup de professions commerciales, très utiles pour créer des personnages menteurs et manipulateurs. J'ai été surveillant aussi, avant de réussir le concours d'enseignant en économie-gestion. Et l'année prochaine, j'enseignerai en BTS Tourisme au lycée Gaston Berger de Lille (re-coup de pub). Je dois me démener pour trouver le temps d'écrire, mais le plaisir naît dans la contrainte.
Herveline Il semble que c'est une immobilisation de deux mois à l'hôpital qui soit à l'origine de ton envie d'écrire. Comment aborde-t-on ce besoin : avec boulimie et désorganisation ou au contraire avec sérénité et maîtrise ?
Anthelme Puisqu'il faut faire un choix, je dirais sans hésiter... les quatre à la fois ! C'est agréable d'écrire par envie, mais il faut aussi savoir se faire violence par moment. C'est utile d'être organisé, mais des fois il faut avoir les c... le courage de remanier son scénario sur un coup de tête. Le besoin d'écrire, c'est un paradoxe perpétuel : besoin des autres et besoin d'être seul, besoin d'un cadre et besoin d'être libre, besoin de règles à enfreindre, besoin de genres littéraires bien définis (fantastique, fantasy, SF...) juste par sadisme, pour les foutre ensuite dans un grand pot et tout mélanger...
Herveline Tu as commencé par publier des nouvelles. Avais-tu déjà des contacts dans le milieu éditorial ou t'es-tu lancé sans filet ?
Anthelme Sans filet, sans piston et sans coucher. Ce n'est pourtant pas faute d'avoir essayé ! Du coup j'ai dû me résigner à travailler, c'est malheureux. De là à dire que seul le travail paie, il ne faut pas se faire d'illusion. Il y a des passe-droits dans ce milieu et quand on n'en a pas, hé bien il ne reste que le droit de bien fermer sa gueule et de se donner une double dose de travail. Je ne ferai pas ici le couplet de l'écrivain méritant (aigri ?) qui s'en sort par lui-même. Si j'avais eu des pistons, probablement que je les aurais utilisés. J'ai dû faire sans, c'est tout. Quand le courant ne passe pas entre mon travail et le comité de lecture ou l'éditeur, je reprends mon paquet sous le bras et je continue à avancer.
Herveline En envoyant tes manuscrits, quels sentiments as-tu ressentis ? Comment se prépare-t-on à l'éventualité d'un refus ou de l'absence de réponse ?
Anthelme J'ai eu le sentiment d'avoir à nouveau dix ans et d'être à la veille de Noël. C'est une étape amusante de guetter chaque jour le passage du facteur, de scruter sa boîte mail avec le palpitant qui s'agite. Et le plus important : toujours embrayer aussitôt avec un autre projet, ne jamais rester à ne rien faire. Un éditeur me refuse ? Je passe au suivant sur la liste, et ainsi de suite. Sans oublier la règle d'or : une bonne surprise arrive quand on s'y attend le moins. J'écris avant tout des histoires qui me plaisent et, puisque je gagne ma vie autrement, cela me laisse de la liberté pour expérimenter, pour peaufiner. Selon moi, l'étape la plus stressante reste la création... Et la relecture/correction. Un travail de fourmi. Je déteste ça.
Herveline Parle-nous un peu de ces différentes nouvelles que tu as publiées ?
Anthelme Un nombre édifiant pour commencer : sur 50 nouvelles à ce jour, seules 15 ont été publiées. Je ne parlerai même pas de mes premières tentatives, sauf si je devais publier un jour un bêtisier. Une erreur récurrente à mes débuts : vouloir mettre trop de choses, en gâchant mes effets. Les nouvelles qui m'ont marqué, voyons... Je suis passé par plusieurs genres : policier, fantastique, SF, fantasy, littérature blanche... Ainsi qu'une expérience peu concluante de l'horreur : que des refus ! C'est pourtant un genre que j'adore depuis ma plus tendre enfance, on y reviendra. Un dénominateur commun lie tout de même ces nouvelles : l'humour. Que ce soit les remarques acides du détective privé de Supermarkt, (nouvelle parue dans la revue Khimaira), ou le ridicule des situations de Dementia Populi ou de C.F.D.T. (parues dans le fanzine Éclats de Rêves / Sandrine Gaquerel), l'humour reste un ingrédient incontournable. « Tout est risible, même la mort. », disait Pierre Desproges, avant d'ajouter : « Surtout elle. » C'étaient ses mots, ou à peu près. Je profite qu'on parle de mes nouvelles pour saluer toutes celles et tous ceux qui m'ont publié à mes débuts : Menolly / Karim Berrouka / Michaël Fontayne (Parchemins et Traverses), Pierre Gévart (Géante Rouge), re-Menolly et Magali Duez (Griffe d'Encre), Estelle Valls de Gomis (Le Calepin Jaune), Marc Bailly (Phénix Mag & La Yozone), l'équipe de Traversées Oniriques et celle de Reflets d'Ombres. D'ailleurs des nouvelles sont encore à paraître : Nuage rouge, Trêves de comptoir, Le diable noir, Brumes...
Herveline Aujourd'hui ton premier roman rencontre de bonnes appréciations. Es-tu réceptif et à l'affût de ce qui se lit sur Internet ou ailleurs ?
Anthelme Bien sûr : je relève les noms, les adresses mail et comme les héros du film Jay et Bob contre-attaquent, je prépare de sanglantes représailles contre ceux qui en diraient du mal. Moyennant un ou deux homicides, j'ai la paix. Les critiques sont bonnes ? La preuve que le système fonctionne.
Herveline Comment te sont venues les idées qui ont aboutis à La tour des illusions ? As-tu été inspiré par quelques influences ?
Anthelme Ma principale influence fût... Le temps ! Je voulais l'écrire pendant les grandes vacances, mais le projet fut bouclé avec trois mois de retard. Dur de me souvenir de mes lectures à ce moment. Je découvrais Asimov, Herbert, Huxley et quelques autres classiques de la SF et du space opera (dont les Traquemort de Simon R. Green). Pourtant, je ne sens pas leur empreinte sur ce roman, dont la construction très simple me fait plutôt penser au théâtre. C'est vers cette période que j'ai commencé à lire les pièces de Shakespeare, dont Othello qui m'a marqué. Mais ne va pas chercher Shakespeare dans ce que j'écris, tu serais déçue. Mon influence principale reste peut-être les films des Monty Python, que je regardais en boucle les soirs pour me détendre. Une précision encore concernant ce roman : parce que je n'oublie pas les lecteurs de la première heure, je n'exclus pas de réutiliser des personnages dans des aventures futures, histoire de donner un côté « collector » à mes premières parutions. Je ne pense pas être ingrat. Les lecteurs fidèles trouveront leur compte. Durant tout l'été 2008 par exemple, je proposerai mon roman dédicacé accompagné d'une ancienne publication, dédicacée elle aussi. L'occasion pour certains de prendre le train en marche, et pour d'autres de compléter leur collection.
Herveline Tu sautes facilement du réalisme social à la loufoquerie. Est-ce représentatif de ton caractère ou simplement d'un imaginaire tellement riche qu'il s'exprime, explose au gré de ton humeur ?
Anthelme C'est une manière d'être : je ne me prends pas au sérieux, et pourtant je suis un bourreau de travail. Chaque passage est écrit et réécrit, si bien que tôt ou tard l'envie me prend de déconner en y insérant de l'humour, soit au travers d'un personnage qui se lâche, soit en poussant une situation à son paroxysme.
Herveline Qu'ils soient mercenaires, médecins, SDF, ou millionnaire, les personnages que tu crées semblent sortir d'univers divers et variés. Et pourtant ils sont tous aussi attachants les uns que les autres malgré leurs déviance, leurs tares ou leur sentimentalité. Encore une prouesse à souligner, celle du mélange des genres. Comment ont-ils pris vie ?
Anthelme Je travaille à partir de fiches de personnage, habitude héritée du jeu de rôle, mais que l'on pratique aussi en BD. Je m'inspire de personnages de films et de séries : Snake Plissken (New York 1997), Han Solo, Dr. House, Gabriel Solis (Desperate Housewives)... Je choisis mes émissions et mes divertissements selon des critères particuliers. De bons dialogues, c'est essentiel. C'est pour cette même raison que je collectionne les films de Michel Audiard. Enfin, je m'inspire de mon entourage, qu'il s'agisse de ma copine, de mes amis, des collègues, d'un passager du métro dont je réinvente la vie... Parfois j'ai l'impression d'arpenter les rues de Lille en charognard.
Herveline Tout le récit baigne dans une sorte de melting pot où thriller, fantastique, aventure et science-fiction font bon ménage. Dans ta nouvelle Primal, tu abordais la fantasy (aux frontières d'un monde moderne et bien réel). As-tu un genre de prédilection dans l'écriture ou la lecture ou au contraire tu aimes laisser vaquer ton imagination sans la brider ce qui donne certes un roman un peu inclassable mais pourtant d'une grande valeur inventive ?
Anthelme Mon premier amour fut l'horreur. Un souvenir : Vendredi 13 quand j'avais six ans, moi devant la télé profitant de la fatigue de mes parents. Ils n'étaient pas au bout de leur peine les pauvres, car suite à cela j'ai « égayé » leurs nuits avec mes cris pendant un temps. Mes premières idoles étaient des réalisateurs : Dario Argento, Mario Bava, George Romero, David Cronenberg... Oui, il y a eu des séquelles. Adolescent, j'ai eu ma période Lovecraft qui a duré un an. Puis j'ai eu ma traversée du désert -littéraire-, pendant mes études de droit et d'économie, avec quelques oasis tout de même : les premiers tomes du Trône de fer, les romans de Greg Stolze parus chez White Wolf... Ensuite, ça a été l'explosion. Pendant ma maladie, j'ai lu de tout avec avidité, du théâtre, du policier, de la littérature blanche : Houellebecq, Bobin, Gavalda, Granotier... À plus d'un titre, ce fut une renaissance. Au sortir de l'hôpital, j'avais eu une épiphanie, mais du genre à sentir le soufre et les bacchanales. Toutes ces influences se développent en pagaille dans ma tête, un chaos que je me contente de dégueuler, chaud et bouillonnant, sur les touches de mon clavier.
Herveline Quel conseil donnerais-tu à ceux qui comme toi ont trouvé la passion d'écrire et qui pour autant se heurte aux difficultés de se faire éditer ? Et que penses-tu de ces maisons qui proposent aux auteurs de payer l'édition de leurs œuvres sans pour autant avoir une bonne structure de diffusion et de distribution ?
Anthelme Des conseils ? Tout dépend de ce que l'on veut faire. Publier des nouvelles est un objectif réalisable. Il existe plein de fanzines (voir plus haut) qui cherchent des bénévoles pour rempli leurs pages. Un travail régulier et acharné, couplé à de bonnes lectures, devrait vous donner gain de cause. Notez que ça nécessite déjà un certain investissement personnel. Publier des nouvelles ET être payé pour ça, c'est déjà autre chose. Les magazines qui payent ne sont pas légion (Elegy, Lanfeust Mag...) et ne publient qu'une nouvelle par parution. Autant dire que la lutte est serrée. Les anthologies (Parchemins et Traverses, Griffe d'Encre...) sont accessibles, mais la rémunération est plus faible. Que reste-t-il ? Publier un recueil de nouvelles, ou un roman. Et là, bienvenue dans la jungle des éditeurs ! Commençons par les éditeurs à compte d'auteur (oui, les méchants qui font payer aux auteurs pour la publication de leurs œuvres), avec lesquels je ne travaille pas et pour cause ! Ces gens n'ont d'éditeurs que le nom : ils ne distribuent pas et ne font aucune promo. Autrement dit, ce qu'ils vous vendent, ce sont simplement leurs services d'imprimeur, en prétendant par-dessus le marché qu'ils ont aimé votre livre (que la plupart du temps ils n'ont pas lu. Quelle importance pour eux que l'œuvre soit bonne ? Ils ne prennent aucun risque. Quoiqu'il arrive, ils seront payés, tandis que la partie se jouera avec vos billes. Hé oui : à vous de refourguer votre stock de livres). Rappelons aussi qu'il existe des bourses d'aide aux auteurs (du Centre national du Livre), mais que la publication à compte d'auteur ne permet pas d'y accéder, tandis que l'édition à compte d'éditeur si ! L'édition à compte d'éditeur est donc la seule qui vaille la peine. Déjà parce que c'est l'éditeur qui paie l'impression, et quand l'éditeur paie, l'éditeur s'engage ! Il va se démener pour vendre. Deuxièmement, un éditeur n'investit que dans un roman qui, d'après lui, a ses chances. Si votre œuvre est retenue par un éditeur, c'est une vraie reconnaissance. À vous de vous renseigner sur la ligne éditoriale des différentes maisons, ou sur leurs collections. Mon éditeur par exemple, l'Atelier de Presse, présente plusieurs collections, dont l'Atelier du Futur spécialement dédiée à la Science-Fiction. Merci à Gilles Vidal et Jean Pierre Van Geirt.
Herveline Au terme de cette première rencontre, que peut-on te souhaiter pour l'année en cours ? As-tu d'autres projets en cours ?
Anthelme Mon seul souhait pour cette année, concernant l'écriture, sera de terminer Âmes de verre, mon deuxième roman et de le soumettre à la rentrée à un éditeur. Ce sera l'aboutissement de plus d'un an de travail passionné, marqué par les influences d'œuvres commerciales, comme le Trône de fer ou Riverdream de George Martin, mais aussi d'auteurs plus controversés comme Ballard (Crash) ou Burroughs (le Festin nu), ou encore de deux incontournables français : Mathieu Gaborit (Agone, qu'on ne présente plus) et Jérôme Noirez (la trilogie Féerie pour les Ténèbres, Leçons du monde fluctuant). Le résultat sera une alchimie d'un autre genre, un récit mêlant humour, fantastique urbain contemporain, horreur et plein de petits ingrédients que je dois encore doser si je ne veux pas que le schmilblick me pète à la gueule. Boum !
Herveline Merci Anthelme d'avoir pris le temps de répondre à ces quelques questions.
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Bibliographie (Mise à jour le 08/05/09)
Nouvelles
2005 Supermarket dans Détectives de l'étrange (Khimaira n°4)
2006 La ballade d'Abrahel dans Contes et légendes revisités (Parchemins et Traverses) extrait en ligne
2006 Courrières (Le calepin Jaune n°10)
2006 Le jardin des peines (Traversée Oniriques)
2006 Primal (Phénix Mag Hors-série n°1) en ligne
2006 La revanche de la moisissure de l'espace (Géante Rouge n°2)
2007 C.F.D.T. dans Monstres & compagnie (Éclats de Rêves n°13)
2007 Dementia Populi dans Psychoses (Eclats de rêves n°11)
2007 Les deux visages de l'innocence (Reflets d'Ombres n°10)
2007 Logique d'ensemble dans Ouvre-toi (Griffe d'Encre)
Romans
2008 La tour des illusions (Atelier de Presse) Epuisé