Quatrième de couverture
« La terrasse s'avance sur une portion entièrement écroulée du mur d'enceinte. Nous surplombons la chevelure noire de la forêt qui s'étend à perte de vue. Nous avons sorti deux transats. Lui fume une pipe d'eucalyptus. Moi je hume le souffle de la canopée. Je sens la présence réconfortante des arbres. Mais leur contact me manque. J'ai erré une partie de la soirée dans les entrailles d'une gigantesque bête qui m'a digéré lentement. J'ai senti croître en moi quelque chose de sombre, remontant du fond des âges. »
Un écrivain raté qui part chercher l'inspiration dans la France profonde, un mystérieux village qui se déplace, un pacte avec le règne végétal, une expérience de reconversion civilisationnelle, un périple dans les entrailles de la terre, une Europe en cours de balkanisation : Malbosque est un recueil dont les nouvelles auraient fusionné en une seule entité, un récit de facture composite dans lequel se côtoient des éléments relevant à la fois du réalisme, du fantastique, du nonsense, de la science-fiction et du surréalisme. Le ton, souvent décalé, ne tempère jamais vraiment un lyrisme assumé et une compassion affichée pour la condition humaine. L'errance des personnages au coeur d'un monde tourmenté, au bord du gouffre, les conduira, de métamorphose en métamorphose, jusqu'à l'inévitable communion qui réconciliera tous les éléments de la Création.
Gilles Bailly est l'auteur de nouvelles insolites, insolentes, caustiques et poétiques qu'on a pu lire ces dernières années dans de nombreuses revues dont le Codex Atlanticus, Hespéris, Le Jardin d'Essai, Nord ou Supérieur Inconnu. Malbosque est son premier roman.
Voilà bien un roman atypique, de ceux que l'on croise, rarement, mais qui existent. Conçu comme une succession de chroniques, voire de nouvelles, il nous entraîne à la suite de ? dans ses pérégrinations insolites, loufoques, merveilleuses, fantastiques, disjonctées, jamais glauques. Dans ce très bizarre récit de voyage, l'on croise l'ombre de Stevenson, de Jules Verne, de Walt Disney. On passe par les Cévennes, on remonte jusqu'à la chaîne des puys par où s'entrouvrent quelques tunnels menant jusqu'en Italie et à la limite de L'Europe de l'Est. Chaque étape est une rencontre, un brin de folie ou de rêve éveillé. On y devine constamment le souci de l'humain, de l'environnement, de l'idéal sous leur forme les plus surréalistes qui soient.
Avec Gilles Bailly, vous prendrez votre premier ticket pour un voyage étrange, onirique, souvent drôle, vous circulerez dans une voiture toute de végétal conçue, vous croiserez Tabouret, le chien à trois pattes, qui plus tard se transformera en ours (vous êtes prévenu), quelques vampires vous hébergeront, toute une faune sauvage suivront vos pas, écureuils, lézards, pipistrelles (qui se dégustent aussi, aux champignons, quand on n'a plus le choix)... Mais dans ce paysage fantaisiste, il y a aussi des ombres, une réflexion sur notre société, sur les rassemblements faussement anti-consuméristes, sur l'hypocrisie, l'Utopie, l'Europe et l'éclatement paradoxal de nos provinces... et il y a Malbosque, un village qui se déplace ; donc même quand on tombe dessus, on est jamais sûr de pouvoir y revenir. Aussi, jusqu'à la fin, il restera une sorte d'Arlésienne et quand on y revient, il a changé, comme l'auteur.
Ce premier roman recèle malgré tout quelques imperfections qui sont à noter. Si la narration partait sur des textes très courts, avec même une structure élaborée de chapitres écrits une fois sur deux à la première ou à la troisième personne, sauf le premier avec la forme "nous", on peut rencontrer une certaine lassitude dans les derniers chapitres, beaucoup trop longs, injectant tant et tant d'idées et de loufoqueries qu'on s'y perd et le schéma aussi. De chroniques, on passe à de vraies nouvelles mais qui déséquilibrent l'ensemble. Il n'y a plus vraiment de structure. Même si l'on comprend le cheminement intérieur et extérieur du héros, tout délirant soit-il, on a complètement occulté le point de départ, la recherche d'inspiration. A défaut de celle-ci, peut-on au mieux se dire que le héros a ouvert les yeux sur une réalité qui lui échappait. Toutefois, on aurait pu s'attendre à la fermeture d'une boucle, un retour aux sources de son aventure, un renvoi vers l'écrivain en manque d'idées ("Un polar, peut-être ?").
Heureusement, d'inspiration, Gilles Bailly n'en manque pas. Il y a donc à parier que nous le recroiserons encore dans les méandres de l'imaginaire.
Lire une interview de Gilles Bailly
Gilles Bailly
Malbosque
(La Clef d'Argent, collection FIKhThon)
9782908254723
Mots-clés : écologie, écrivain, fantaisie, fantastique, humour, imaginaire, inspiration, merveilleux, réflexion, Utopie, récit de voyage, vampires