Quatrième de couverture
Sous sa nuque, le col évasé de son kimono m'offrait une vue plongeante jusque dans le creux de ses reins : les violentes zébrures qui balafraient sa peau blanche et moite, se perdaient au plus profond de l'échancrure. Toute son élégance avait disparu et il émanait d'elle une étrange impression d'obscénité qui me subjuguait.
Dans ce roman très célèbre, subtil jeu de miroirs où le narrateur, Ranpo Edogawa lui-même, cherche à élucider un meurtre commis par un autre auteur de littérature policière, on retrouve - comme dans tous ses romans - cette curieuse alchimie entre une intrigue rigoureuse et une narration envoûtante, dans des mises en scène fantastiques et obsessionnelles (fétichisme, voyeurisme, sadisme et perversions sexuelles). " Flânerie au bord du fleuve Edo ", telle est la traduction littérale des idéogrammes utilisés pour composer ce nom de Edogawa Ranpo (anagramme de Edgar Allan Poe), reconnu au Japon comme le maître-fondateur de la littérature policière japonaise (1894-1965).
Continuons notre promenade dans l'univers des polars japonais avec ce titre paru en 1925 d'Edogawa Ranpo. Ce dernier se met donc en scène pour d'abord apporter son aide à une jeune et jolie femme, puis pour comprendre la mort du mari de cette dernière. On retrouve la qualité littéraire de l'auteur et sa plume incomparable. Mais surtout, on reconnaîtra aisément l'influence qu'il a suscité chez ses successeurs : Seichô Matsumuto et plus récemment Keigo Higashino. Si vous avez déjà eu l'occasion de lire et de vous régaler avec La chambre rouge, nul doute que ce court roman vous apportera la même satisfaction. La narration y est plus que délicieuse et le sujet qui y est traité va au-delà de la simple enquête. C'est aussi une réflexion sur le travail d'écrivain de romans policiers avec comme introduction à son texte un petit aparté bien sympathique sur la distinction à faire entre les auteurs de polar qui sont du côté de l'"enquêteur" et ceux du côté des criminels. Sans le savoir il proposait déjà une des définitions possibles du thriller en opposition à celle du roman d'enquête. Contemporain d'Agatha Christie mais surtout digne héritier d'Edgar Allan Poe, on lui doit ici encore un roman à énigme jubilatoire dont la fin énigmatique propose une réflexion sur le bien fondé de la déduction et le pouvoir de la manipulation.
Ce roman est suivi d'une nouvelle géniale Le Test psychologique, qui aura pour but de démontrer que le crime parfait n'existe quasiment jamais.
Notez que ce film a été adapté en 2008 au cinéma sous le titre Inju : la bête de l'ombre par Barbet Schroeder avec Benoît Magimel. Nous ne l'avons pas vu pour le critiquer ici.
Edogawa Ranpo
La proie et l'ombre (陰獣, Injū)
(Picquier poche)
Mots-clés : crime parfait, écrivain, enquête, Japon, perversion, voyeurisme