Roslund & Hellström - La Bête (2004)Quatrième de couverture
Lorsque Bernt Lund parvient à s'évader du quartier pour délinquants sexuels de la prison d'Aspsas, le commissaire Ewert Grens et son adjoint Sven Sundkvist, de la police de Stockholm, craignent le pire.
Quatre ans auparavant, Lund a en effet violé et assassiné deux fillettes, sans jamais manifester le moindre remords pour ses actes. Leurs peurs se révèlent fondées : le corps d'une enfant est retrouvé peu de temps après dans un bois, portant la signature de Lund. Tandis que la nation entière s'indigne de l'impuissance des autorités face au meurtrier en fuite, Fredrik, le père de la petite victime, décide de se faire justice lui-même...

Gifsv25.gifCoup de coeur. Parce que les traductions d'auteurs suédois pullulent et qu'il faut bien faire le tri entre les très bons, insignifiants et pathétiques, je vous propose de vous référer à un prix littéraire qui est "La Clé de verre", prix qui récompense depuis 1992 le meilleur polar de l'année en langues scandinaves. Sont passés par là Indridasson, Mankell, Larsson, Nesbo mais aussi Theorin pour l'excellent Echo des morts que nous avions chroniqué l'année dernière. Et comme la liste des lauréats est extrêmement qualitative, on peut pour l'instant se fier au choix du jury.
Il en va donc ainsi pour La bête, polar décapant, d'une richesse incroyable, livré par deux auteurs suédois. Le premier est journaliste et le second, une victime. De part leurs expériences et leurs connaissances des milieux tant carcéraux, juridiques ou médiatiques, ils donnent à ce premier roman écrit en commun, une puissance incommensurable. Certes, le sujet est dur. Qui veut lire ou entendre parler de pédophilie de nos jours. Chez nous en France, les médias peuvent se déchaîner sur des faits divers jusqu'à en être grotesques, et puis plus rien. Comme si le problème n'existait plus. Faire l'autruche c'est tellement plus pratique. Alors de là à lire un polar qui traite du sujet...
Et pourtant, en parler ou l'écrire c'est garder en mémoire qu'un mouchoir ne suffit pas à masquer l'horreur. Maintenant il y a la façon de le faire et c'est là que Roslund et Hellström font un passage en force. Leur roman tient autant du roman policier avec enquête criminelle, du polar judiciaire avec procès, du roman psychologique avec introspections, que du roman social avec dégâts collatéraux. Avec une maîtrise parfaite de leur scénario et de la psychologie de leurs personnages, les auteurs décrivent toutes les interactions qui peuvent découler d'une situation donnée. Ici, un tueur pédophile réussit à s'évader. De la culpabilité de ses gardiens, à la détresse d'un père qui voit sa fille assassinée par le psychopathe évadé, de la loi interne des prisons contre les pointeurs (surnom donné aux pédophiles et tueurs d'enfants en prison) au lynchage public par une opinion exacerbée, des états d'âme d'un flic aigri à la bêtise d'un procureur ambitieux, toutes les couches de la société se trouvent prises en otage par ce fait divers dérangeant qui pointe l'incompétence des uns, la folie des autres. Rien est laissé au hasard, jusqu'à l'absurdité des réactions en réponse l'absurdité des actions. Du coup, la pédophilie en tant que sujet principal, s'efface pour laisser pleine lumière sur des individus plus lâches ou impuissants les uns que les autres. Une société qui mélange héroïsme, vengeance et justice au prix du malheur et des dérapages.
Les auteurs évitent de tomber dans le voyeurisme. Aucunes descriptions intolérables. Juste ce qu'il faut pour être crédible et sensibiliser le lecteur mais pas de surenchère de violence gratuite. La violence se situant à bien des égards dans les têtes et les coeurs des protagonistes. Le tueur, personnage à priori central, est vite relégué au second plan. Symboliquement cela permet de ne pas lui donner trop d'importance, en tant qu'individu. Seul son acte et tout ce qui va en découler reste au centre de tout.
Un roman bouleversant qui marque aussi le début d'une série qui a pour héros le commissaire Ewert Grens. Espérons que les opus suivants soient du même acabit.

Anders Roslund & Börge Hellström
Ewert Grens T01 : La bête (Odjuret)
(Pocket Noir)

9782266199445

Mots-clé : milieu carcéral, pédophilie, polar judiciaire, roman d'enquête, roman social, scandinave, suède

Tag(s) : #POLAR-THRILLER, #SCANDINAVIE, #NOS COUPS DE COEUR, #SUÈDE, #CARCÉRAL
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